Sunday, November 27, 2005

Putain de mange merde ! Bis repetita.

Un peu d'histoire ne fera de mal à personne.
Concernant la diabolisation libérale orchestré par nos mange-merde des médias, à coup de chiffres truqués et de mensonges éhontés.
Un peu de vérité ne peut pas faire de mal.

Jean-Paul Bailly, le président de la Poste française, vient de l'annoncer : poussée par l'Europe, la Poste s'engage sur la route de la réforme. D'autres pays, dont la Suède, ont libéralisé leur système postal aussi étatique que celui de la France d'aujourd'hui. Certains, tels que l'association Attac, hostiles à la future réforme, véhiculent une théorie idéologique sur le bilan de la libéralisation de la poste en Suède, bien loin de la réalité du terrain. Ces informations visent à intoxiquer les Français aujourd'hui et à saboter la réforme de la Poste française demain. Le Figaro n'a pas été épargné par cette désinformation. Le 27 novembre 2003, les pages saumon titraient "Faillite de la libéralisation postale à la Suédoise".

Un bilan réel de la libéralisation postale en Suède s'impose.

La libéralisation de la poste en Suède s'inscrit dans un contexte général de réformes. Au milieu des années 1980, le fameux "modèle suédois" de l'Etat Providence a montré ses limites et a dû être réinventé. A gauche comme à droite, les hommes politiques sont persuadés de la nécessité de libéraliser le pays. Les vents de la réforme soufflent sur la Suède et on pourrait conclure à tort que les Suédois vivent une "euphorie de la dérégulation tous azimuts" (Figaro Economie du 27 novembre 2003). Il s'agit au contraire, en Suède à l'époque, tout simplement d'une volonté commune de survivre, en soulevant le joug étatique étouffant. Ni plus, ni moins. A cette fin, pendant une période de presque deux décennies, nombre de réformes ont été engagées avec un pragmatisme loin des idéologies simplistes.

En 1993, les Suédois décident, les premiers en Europe, de mettre fin au monopole étatique de la poste. Déjà, depuis 1991 une entreprise privée, Citymail, distribue du courrier. La Poste suédoise, vieille de 367 ans, devient en 1994 une société anonyme, Posten AB, dont l'Etat détient toujours aujourd'hui 100% des actions. A partir de 2001, Posten AB vend un à un ses services à diverses entreprises privées, et ces services dégagent maintenant des bénéfices. Posten AB se concentre dorénavant sur quelques services de base.

En parallèle, un projet pilote a été lancé à Stockholm pour réinventer le système de Santé, un "chèque éducation" a été créé pour permettre aux parents d'élèves de choisir les écoles, publiques ou privées, de leurs enfants, et la concurrence a été introduite dans les transports en commun (avec 60 millions d'euros d'économies). Le métro de Stockholm est depuis dirigé par une entreprise française.

Certainement, les syndicats français essaieront-ils d'utiliser les dérégulations en Suède pour faire valoir que la Suède n'est pas un modèle à suivre. Attac le dit : "A la Poste en Suède les tarifs ont augmenté de 70%, 25% des bureaux ont été fermés, et un quart des emplois ont été supprimés". En Suède, sur le terrain et dans les syndicats suédois, c'est une autre réalité qui prévaut. Dans le pays le plus syndiqué au monde, les syndicats l'ont bien compris : c'est en modernisant le pays et en proposant des réformes que les salariés vivront mieux. Le référendum interne de Landsorganisationen (LO), le plus important syndicat suédois, parle de lui-même : le 18 mars 2002, 7 syndiqués sur 10 se disaient favorables à une privatisation entière ou partielle des secteurs publics, tels l'éducation et la santé.

> Telle est la réalité suédoise

En ce qui concerne la libéralisation postale en Suède, la situation est assez complexe, raison de plus pour dresser le bilan réel des dix dernières années.

Le prix du timbre est l'argument le plus souvent avancé pour montrer le "fiasco" et le "danger du libéralisme dans les services publics". On le dit, ce prix a "doublé" entre 1993 et 2003. Interprétation étrange, étant donné qu'il n'existe aucune relation de cause à effet entre la hausse du prix du timbre et la fin du monopole de la Poste suédoise. En 1993, lorsque la Poste était un service public "classique", le prix du timbre, produit alors non taxé sur la valeur ajoutée, était de 2,9 couronnes. Lors de la création de la société anonyme Posten AB en 1994, le prix du timbre était de 2,84 couronnes - un prix auquel il a fallu ajouter le taux légal de 12% de TVA. Le timbre passa donc à 3,18 couronnes. En 2003, dix ans plus tard, le prix du timbre est de 4,4 couronnes ou de 5,5 couronnes si nous comptons les 25% de TVA qui s'appliquent aujourd'hui.

Que nous disent ces chiffres ? Le prix du timbre a été majoré parce que l'Etat a décidé d'augmenter le taux de TVA sur le timbre de 12% à 25% en 2003. Quant à l'augmentation de 52% du prix de 2,9 couronnes en 1993 à 4,4 en 2003, c'est-à-dire le prix HT du timbre aujourd'hui, elle correspond au Konsumentprisindex, l'Index du prix à la consommation suédois. Il s'agit donc d'une évolution du prix qui s'est appliquée en même temps sur l'ensemble des biens de consommation suédois.

Autre argument pour dénigrer la libéralisation : le budget désastreux de la poste suédoise depuis la libéralisation en 1993. Ce qu'il faut savoir, c'est que Posten AB doit remplir deux missions, dictées par l'Etat : celle d'assurer une distribution de courriers et colis dans l'ensemble du pays, et d'autre part de présenter un bilan annuel positif. Faute de remplir ces missions, l'Etat engage des mesures. C'est ce qui a été fait en 2001, lorsque Postgirot, un service de paiement postal très utilisé, a été vendu à la banque Nordea.

De fait, ni en 1993, ni en 2003, Posten AB n'arrive à boucler son budget sans subventions étatiques. Pourtant, la logique de l'Etat suédois est simple : Posten AB ne doit assurer que les services qu'elle peut assurer de façon rentable. Rien d'autre. Le ministre suédois de l'Industrie, Leif Pagotrsky, l'a confirmé en 2003 : "Posten AB doit pouvoir trouver ses fonds propres et payer ses dépenses avec l'argent que les Suédois sont prêts à payer pour les services" (Dagens Nyheter, quotidien suédois, le 4 février 2003). C'est la raison pour laquelle des nouveaux "points de poste" privés ont été ouverts, au lieu des bureaux de poste traditionnels, étatiques et déficitaires.

Voilà un thème qui intéresse la France ! La Poste française devra, très prochainement, faire évoluer son réseau en autorisant une présence postale dans les mairies et chez des commerçants. C'est ce qui a été fait en Suède dès le printemps 2001. Les résultats ? Selon Attac, 25% des bureaux de poste fermés. Selon Le Figaro du 27 novembre, "le nombre de bureaux de poste traditionnels a été divisé par cinq…". Donc, a priori, un échec.

Le terrain montre une autre réalité. En 1993, avant la création de la Société anonyme, il existait environ 1800 bureaux de poste en Suède. Aujourd'hui, selon les statistiques de Posten AB, ils sont 4200. Rien que sur l'année 2002, les points de poste avaient doublé. En revanche, les bureaux "publics" ont une place de plus en plus marginale par rapport aux points de poste privés.

La structure, un peu difficile à comprendre pour celui qui ne l'a pas vécue, est une distinction entre quatre "points de poste" : une Svensk Kassaservice, c'est-à-dire un service bancaire quotidien que Posten AB assure toujours. Ensuite, un Postcenter : également une filiale de Posten AB. Les deux dernières catégories représentent des services assurés par le privé : les Brevpartners, et les Brev- och paketpartners, deux services de retrait et dépôt de courriers, ainsi que d'autres services peu compliqués. Ces services se trouvent aujourd'hui dans des supérettes, des stations services et des bureaux de tabac.

Donc, 4200 points de poste en 2003, comparé aux 1800 bureaux de poste avant la libéralisation ! Une augmentation, certes. Mais encore plus importantes sont les raisons de ce changement. Les statistiques présentées par Posten AB sont claires. En réalité, les Suédois ne vont à la Poste pour retirer ou envoyer un colis que 1,8 fois par an ! Ce chiffre est à comparer avec les 1,6 visites par semaine dans les magasins d'alimentation. C'est en vertu de cela, que les chaînes alimentaires, les stations service, les bureaux de tabac etc., vendent aujourd'hui des timbres et proposent des services postaux de proximité. Atout supplémentaire : les horaires d'ouverture de ces nouveaux points de poste sont beaucoup plus généreux. Les Suédois peuvent acheter des timbres et retirer leurs colis en rentrant le dimanche après la dernière séance de cinéma !

L'efficacité de la poste suédoise est un autre argument avancé pour faire de l'expérience suédoise un modèle à ne pas suivre. Pourtant, les chiffres sont clairs. Une récente étude, réalisée par IBM Business Consulting Service à la demande de Posten AB, montre que 96,2% des courriers envoyés en Suède arrivent au destinataire dans les 24 heures (à comparer avec les 91,7% pour la Grande-Bretagne, les 93,6% pour le Danemark et les 75% de la France) dans ce pays dont la longueur équivaut à la distance Copenhague-Rome. Ce chiffre était de 95% en 1993, lorsque la poste suédoise n'était pas soumise à la concurrence.

Tel est le bilan de la libéralisation postale en Suède. Espérons que ces expériences seront étudiées et utilisées de manière constructive et intelligente pour permettre à la France de réussir le passage inévitable à la concurrence postale exigée par l'Union européenne.

Pour plus d'information: http://www.ifrap.org/0-ouvrirlesite/desinformation-medias.htm